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tive était difficile. Quant à la commende, l’abus en était tellement général et passé dans les usages, que Sixte IV ne put qu’émettre des promesses pour l’avenir. Relativement à l’observation des règles primitives de Cîteaux, touchant la vie intérieure des monastères, le Souverain Pontife crut devoir admettre des dérogations. Réfléchissant que le droit naturel l’emporte sur toutes sortes de lois d’autorité apostolique, il donna, quant à la nourriture, plein pouvoir au chapitre et aux abbés de Cîteaux de dispenser, selon leur conscience, de l’abstinence de la viande, autant de temps que durerait la nécessité présente.

La condescendance du Chef de l’Église fît naître une affreuse confusion ; parmi les abbés, beaucoup se montrèrent trop faciles ; d’autres, trop rigides. Dans le même couvent, l’alimentation différait suivant les religieux, et cette diversité entraînait des récriminations sans fin. Le chapitre général de 1483 crut trancher toutes les difficultés en ordonnant que dans tous les monastères on servirait de la viande trois fois par semaine à un seul repas, le dimanche, le mardi et le jeudi, en un lieu séparé du réfectoire ordinaire[1].

Cette mesure porta le coup de mort à la haute et antique renommée d’austérité dont jouissait le moine cistercien. Il cède la première place aux Franciscains et aux Dominicains, qui la céderont à leur tour à l’institut des Jésuites. Une fraction de l’ordre de Cîteaux reviendra cependant à la pratique de la règle primitive par la réforme des Feuillants, ensuite par celle de l’Étroite-Observance, mère de la congrégation des Trappistes, qui fait revivre aujourd’hui jusqu’au milieu de nos montagnes savoisiennes, la piété et la régularité des premiers disciples de saint Bernard.

  1. Hélyot, Hist. des Ordres religieux, t. V, p. 358 et suiv.