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Page:Histoire de la participation de la France à l'établissement des États-Unis d'Amérique.djvu/20

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fondée sur la discussion et le suffrage avait mûri en eux l’esprit de libre gouvernement qui anima le dernier siècle jusqu’à l’incruster dans leur nature même. La puissance de leur conviction et leur action résolue, tenace, sage pourtant comme s’ils eussent été les conducteurs éprouvés d’un vieil État d’Europe, amenèrent les autres au but. Toutefois, ce n’est pas le grand nombre qui les avait suivis avec les mêmes inspirations morales qu’eux. L’entraînement, la pensée de jouer prochainement un rôle avaient déterminé beaucoup de gens, et bientôt ceux-ci furent poussés plus qu’agissants[1]. Quand la résistance s’assombrit, quand le but espéré parut douteux et qu’il fallut des sacrifices, quand il n’y eut plus assez de premiers rangs, surtout (au commencement d’un grand effort tous les acteurs se croient au même pian), on entrevit qu’à s’arrêter, voire à revenir en arrière, les privations pouvaient cesser et les avantages personnels se produire. Plus d’un, alors, s’efforça de ralentir le pas ou de prendre un autre chemin. Washington, Franklin, le Congrès lui-même, les Américains qui nous avaient recherchés, qui nous avaient sollicités d’amener l’Espagne, qui tinrent partant leur peuple comme l’obligé du nôtre, eurent presque dès le premier moment pour contradicteur à cause de cela même, bientôt pour adversaire, un parti qui en définitive l’emportera et qu’inquiéteront peu la tiédeur, même l’oubli des égards envers nous.

Sans s’en rendre compte on avait déjà à Paris un représentant de ce parti ; on ne tarde pas à y voir arriver, et il vient à Madrid

  1. Le fait ressort avec évidence, aujourd’hui qu’Américains et Anglais regardent par le détail à l’histoire des États-Unis. M. Hartpole Lecky, dans son History of England in the xviiith century, a particulièrement mis ce point en lumière, préoccupé, avec la jeune école historique américaine, de bien montrer à quel degré la population était foncièrement anglaise et peu portée vers la France. C’est une optique nouvelle, pour nos idées françaises ; mais le présent volume fera déjà reconnaître, croyons-nous, qu’au fond cette optique est la vraie.