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Page:Histoire des philosophes modernes, Tome 1, 1773.djvu/17

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Il est naturel de penser que cet âge est composé des plus beaux jours de la Philosophie. Montés sur les épaules des Sages de l'antiquité, pour me servir d'une expression de M. de Fontenelle, les Philosophes moderners ont vu beaucoup plus loin qu'eux. Ils ont corrigé ce qu'ils avoient établi de défectueux ; ils ont profité de ce qu'ils ont laissé de bon, et l'ont perfectionné : aux découvertes qu'ils avoient faites, ils ont ajouté les leurs ; et l'esprit échauffé par cette double clarté, a presque osé fixer les limites de nos connoissances. Ce qu'il y a de certain, c'est que les grands coups son frappés. Les Sciences exactes touchent à leur terme. Les sens sont aussi perfectionnés qu'ils peuvent l'être. Et quoique l'étude de la nature soit immense, les forces de l'entendement humain sont déterminées.

On doit donc s'attendre à trouver dans cette Histoire des Philosophes modernes, les choses les plus curieuses et les plus transcendantes. Tout ce que la Métaphysique a de plus sublime et de plus sensé, la Morale de plus vertueux, les Mathématiques de plus utile, la Physique de plus curieux, et l'Histoire naturelle de plus rare, en forme le riche tableau. Les matériaux en sont aussi très-abondans ; et la principale difficulté consiste sans doute à faire un bon choix ; à saisir l'essentiel des choses, à le présenter avec netteté, et à concilier l'élégance et la clarté avec l'érudition et la critique. Je ne me flatte pas d'avoir réuni toutes ces qualités dans cette Histoire. Ce seroit penser que j'ai fait un Ouvrage parfait ; et bien loin d'avoir cette pensée, je sens qu'il ne m'est as même permis de l'ambitionner. Je rends compte ici de mon travail : je pourrois ajouter du désir que j'aurois de plaire au Public : du reste c'est aux Savans à juger de l'un et de l'autre. Mais je dois dire que j'ai consulté tous les Ouvrages, Mémoires, Eloges, Notices, etc. qui ont paru sur les Philosophes moderners, et que je me suis attaché sur-tout à puiser leur morale, leurs systêmes, et leurs découvertes dans leurs prores Ecrits. Parmi ces Ouvrages, il en est un trop estimable et qui m'a été trop utile, pour n'en pas faire une mention particulière. Il est intitulé : "Jacobi Brukeri Historia Critica Philosophiæ à mundi incunabulis ad nofiram ufque œtatem deducta en cinq Volumes in-4°. C'est un Livre très-savant, qui contient des recherches immenses, et une critique presque toujours judicieuse, et qui laisseroit peu de chose à désirer, si l'Auteur n'eût pas suivi le plan dont je viens de faire voir les inconvéniens ; (je veux dire l'ordre des siècles, sans distinction de classes de Philosophes;) s'il étoit moins diffus ; s'il ne coupoit pas sans cesse sa narration par des digressions