Page:Hobbes - Œuvres philosophiques et politiques (trad. Sorbière), 1787.djvu/107

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bienfait qu’avec une disposi­tion intérieure de faire en sorte que le bienfaiteur n’ait jamais de juste sujet de se repentir de sa bénéficence. Car sans cela, celui qui se mettrait le premier à bien faire aurait peu de raison de prodiguer et de voir périr la plus belle chose du monde, qui est sans doute un bienfait. D’où il s’ensuivrait qu’il ne se trouverait plus de courtoisie parmi les hommes, et que toute l’amitié et la fidélité qui les lient en seraient ôtées ; qu’ils ne se prêteraient aucune assistance, et qu’il n’y aurait jamais aucun commencement aux civi­l­ités réciproques qui les assemblent. Ce qui étant, on demeurerait nécessairement dans l’état de guerre, qui est contre la loi fondamentale de nature. Or, d’autant que l’infraction de cette loi n’est pas un violement de sa foi et de ses promesses (car on ne suppose point qu’il en soit intervenu aucunes) elle n’a pas aussi accoutumé d’être nommée injure : mais parce que le bienfait et la reconnaissance ont une relation réci­proque, on lui donne le nom d’ingratitude.


IX. La quatrième loi de nature est que chacun se rende commode et traitable aux autres. Pour mieux entendre cela, il faut remarquer que les hommes qui doivent entrer en société y apportent une merveilleuse diversité d’esprits, comme leurs affections sont diverses. Il en est de même d’eux, que des pierres qu’on assemble de diverse matière et de diverse figure, pour élever un grand édifice :