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pour le divertissement ou pour l’ornement de la conversation, les plaisirs et le charme du jeu innocent des mots[1].

Les abus du Langage. — À ces quatre Usages correspondent aussi quatre Abus. Premièrement, quand on enregistre mal ses pensées du fait de l’inconstance de signification de ses mots, et qu’ainsi on enregistre comme étant ses conceptions ce qu’on n’a jamais conçu[2] ; alors, on se trompe soi-même. Deuxièmement, quand on use des mots par métaphores, c’est-à-dire dans un sens autre que celui pour lequel ils sont faits alors, on trompe les autres. Troisièmement, quand, par des mots, on déclare être sa volonté ce qui ne l’est point. Quatrièmement, quand on emploie les mots pour se nuire réciproquement. La nature a armé les créatures vivantes les unes de dents, les autres de cornes, d’autres de mains pour nuire à leurs ennemis, mais nuire avec la langue est à la vérité abuser du Langage, à moins qu’il ne s’agisse de quelqu’un que l’on a charge de gouverner, car alors ce n’est plus nuire, mais corriger et amender[3].

La façon dont le Langage sert à la remémoration de la conséquence[4] [des causes et des effets] con-

  1. Le latin dit : « En quatrième lieu, nous pouvons faire parfois du langage un usage innocent pour le plaisir ou pour l’art ».
  2. Au lieu de « conception » et « concevoir », le latin dit : « pensée » et « penser)) (cogitare).
  3. Le latin dit : « La nature a armé d’une part les autres animaux, les uns de dents, les autres de cornes, d’autre part l’homme de mains pour que, quand il en est besoin, ils nuisent à leurs ennemis. Mais nuire avec la langue est abuser du langage, à moins qu’il ne s’agisse de quelqu’un que l’on doit gouverner. Ce n’est plus nuire alors, mais corriger et amender ».
  4. Le latin dit : « des » conséquences ».