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Page:Hobbes - Léviathan - Tome I.djvu/95

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dre ses calculs depuis le début c’est-à-dire sans remonter là où est la source de ses erreurs. D’où il s’ensuit que ceux qui se lient aux livres[1] font comme ceux qui additionnent plusieurs petites sommes en une grande sans considérer si ces petites sommes ont été bien [ou mal] additionnées ; ils finissent par apercevoir l’erreur, mais, ne se méfiant pas de leurs premières bases[2], ils ne savent plus quelle route prendre pour se retrouver[3] ; ils passent leur temps à se débattre avec leurs livres[4], comme des oiseaux qui, se trouvant enfermés dans une chambre où ils sont entrés par la cheminée, volètent[5] à la lumière trompeuse de la fenêtre n’ayant pas l’esprit de se rendre compte du chemin[6] par lequel ils sont entrés. Ainsi donc, c’est dans la juste Définition des Noms que consiste le premier usage du Langage, c’est-à-dire l’Acquisition de la Science[7] ; et, c’est dans une fausse Définition des noms ou dans une absence de Définition qu’en réside le premier abus d’où procèdent toutes les Doctrines fausses et absurdes[8] ; c’est ce qui fait que ceux qui tirent leur instruction de l’autorité des livres et non de leur méditation propre sont dans une condition tout autant inférieure à celle des ignorants qu’est supérieure à cette dernière la condition de ceux qui possèdent la

  1. Le latin dit : « trop aux autres auteurs ».
  2. Le latin dit : « des principes posés par leurs maîtres ».
  3. Le latin dit : « ils ne peuvent plus se débrouiller ».
  4. Le latin dit : « à refeuilleter leurs livres ».
  5. Le latin ajoute : « en vain ».
  6. Le latin dit : « ayant oublié le chemin ».
  7. Le latin dit « des sciences ».
  8. Le latin dit : « ; et c’est de là que procèdent les opinions fausses et absurdes des philosophes ».