Page:Hoche, Le faiseur d'hommes et sa formule, Librairie Félux Juven, 1906.djvu/89

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C’est ce que nous fîmes en effet, l’ouïe tendue, non sans un commencement d’appréhension que nous n’osions nous avouer, vers l’effroyable tumulte dont s’emplissait le haut du ravin derrière nous. Il s’élevait par rafales, en un crescendo furieux, puis brusquement c’était un silence de mort, un silence de quelques secondes plus terrifiant que tout le reste. Dans l’intervalle d’un de ces silences, un ronflement passa dans les arbres, contre la paroi surplombante, et deux cornes grisâtres trouèrent les lianes, avec des yeux au bout qui nous reluquaient d’un air féroce. Je dis reluquer parce que la trivialité du terme suscite à peu près la nuance bassement grotesque dont s’imprégnait le tragique de tout ceci, mais le verbe argotique zyeuter, plus ignoble en soi, conviendrait peut-être mieux.

Nous nous trouvions maintenant dans une partie de plus en plus étranglée et sombre du défilé, et notre situation pouvait devenir critique si une courbe latérale ne s’offrait bientôt pour faciliter notre retraite. Non que nous eussions réellement peur des monstres, mais nous redoutions, — ma femme surtout —, leur contact visqueux et puant. Cependant l’atroce charivari se rapprochait de minute en minute. Bien que