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térieux rivages de Tlapallan, en promettant de revenir un jour avec sa postérité pour reprendre possession de son empire. Les Aztèques attendaient, les uns avec crainte, les autres avec espérance, l’effet de cette prédiction infaillible. De sinistres présages annonçaient que le jour prédit était proche. A la nouvelle de l’arrivée des Espagnols, Montezuma avait d’abord cru voir en eux la postérité de Quetzalcoatl. Rassuré en apprenant que, loin de se dire les fils d’une divinité mexicaine, ces étrangers les outrageaient toutes, il s’inquiéta de nouveau des progrès de Cortés et surtout de son alliance avec les Tlascalans, et crut voir dans tant de succès la preuve d’une intervention divine. Il envoya donc une quatrième ambassade à Cortés. Il invitait cette fois les Espagnols à venir dans sa capitale. Il les priait de ne contracter aucune alliance avec les vils et barbares Tlascalans, et les engageait à prendre la route de Cholula, où l’on faisait par ses ordres des préparatifs pour les recevoir.

Cette ville n’était qu’à six lieues de Tlascala. Les Espagnols y furent d’abord reçus avec une grande bienveillance ; mais bientôt la scène changea. Montezuma, apprenant des oracles que Cholula devait être le tombeau des étrangers, envoya secrètement l’ordre de les faire périr. Les Cholulans préparèrent en silence un massacre général. Marina découvrit le complot, et Cortés le prévint en faisant tuer les principaux caciques cholulans et en égorgeant, à l’aide des Tlascalans, une partie de la population de cette ville. Après avoir terrifié par cette exécution Montezuma et ses sujets, il s’avança hardiment dans la vallée de Mexico, entre le Popocatepetl et le Iztaccihuatl, et le 8 novembre 1519 les Européens mirent pour la première fois le pied dans la capitale des Aztèques.

Cortés, à la tête de son petit corps de cavalerie, formait l’avant-garde, venait ensuite l’infanterie espagnole. Les bagages occupaient le centre, et la sombre colonne des guerriers Tlascalans fermait la marche. Cette petite armée ne devait pas s’élever en tout à plus de sept mille hommes, et sur ce nombre on ne comptait pas quatre cents Espagnols. Elle suivit l’isthme étroit qui sépare les eaux de Tezcuco de celles de Chalco, puis elle entra sur la longue digue qui s’étend en droite ligne à travers les eaux salées de Tezcuco jusqu’aux portes de la capitale. Le long de la digue s’élevaient plusieurs villes bâties sur pilotis. Les Espagnols les dépassèrent, et atteignirent un pont-levis construit en bois et jeté sur une ouverture de la digue. Ils comprirent en le traversant qu’ils se mettaient à la merci de Montezuma, qui pouvait, en coupant leurs communications avec l’extérieur, les retenir prisonniers. Ce prince, accourant au-devant des hardis étrangers, les accueillit avec une courtoisie toute royale, et chargea son frère de les conduire aux quartiers qui leur étaient destinés. Les Espagnols s’enga-


geant dans la rue spacieuse qui faisait suite à la digue, traversèrent plusieurs ponts suspendus sur des canaux, et s’établirent sur une grande place située presque au centre de la ville, dans un vaste palais bâti par Axayacatl, père de Montezuma. Les premiers jours se passèrent en échanges de politesses et de visites, entre Cortés et le prince aztèque, et en tentatives inutiles du premier pour convertir le second. Tout en ayant pour ses hôtes un respect superstitieux, qui parfois allait presque jusqu’à l’adoration Montezuma gardait pour ses dieux un attachement invincible, et son peuple commençait à voir avec une sombre indignation ces étrangers contempteurs des divinités aztèques et profanateurs de leurs temples. Au bout de huit jours, Cortés, averti d’une insurrection, la prévint par le coup le plus audacieux. Pénétrant dans le palais de Montezuma avec quelques soldats, il l’accusa d’avoir voulu faire égorger les Espagnols, et, sur la dénégation du prince, il lui déclara que pour prouver son innocence, il n’avait qu’à venir s’établir dans le palais occupé par les Espagnols. Montezuma, frappé de stupeur, refuse d’abord ; puis, se voyant menacé de mort, il se résigne, et contenant la colère de ses sujets, qui voulaient courir aux armes, il se rend au palais d’Axayacatl. A partir de ce moment, tout en gardant les insignes de la royauté, et même la puissance absolue à l’égard de ses sujets, le faible Montezuma ne fut plus que l’instrument, le jouet, et bientôt la victime de ses geôliers : triste rôle, que le monarque déchu rendit touchant par sa douceur et sa résignation. Cortés ne lui épargna aucune humiliation. Il fit brûler vifs Quauhpopoca et quinze caciques aztèques, coupables d’avoir tué quelques Espagnols, et fit charger de fers le monarque complice du même crime. Montezuma, qui n’aurait eu qu’un signe à faire pour soulever des milliers d’hommes contre cette poignée d’étrangers, remercia humblement Cortés, lorsque celui-ci vint, au bout de quelques heures, le débarrasser de ses fers. Une profonde terreur religieuse explique seule tant de faiblesse, inexplicable pour les conquérants eux-mêmes. « Maintenant que je suis vieux, dit Bernal Diaz, témoin oculaire et historien de la conquête, je m’amuse souvent à évoquer le souvenir des faits héroïques de ma jeunesse, qui se représentent à mon esprit avec la même netteté que les événements d’hier. Je pense à l’enlèvement du monarque indien, à sa mise aux fers, à l’exécution de ses officiers ; et il me semble que toutes ces choses se passent en ce moment devant moi. Mais, en réfléchissant sur nos exploits, je sens que ce n’est pas de nous-mêmes que nous les avons accomplis : non, c’est la providence de Dieu qui nous guidait. Il y a là un grand sujet de méditation. » Après avoir étouffé, par l’arrestation de Cacama, roi de Tezcuco, le premier germe d’insurrection, Cortés décida Mon-