Page:Hoefer - Biographie, Tome 18.djvu/478

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Froissart se retira alors à Chimay, où il mourut. Quelques biographes l’ont fait vivre jusqu’en 1420 , opinion qui ne parait pas fondée. Il est sûr qu’il vivait encore en 1400, puisqu’il rapporte dans son histoire des événements de cette année. Mais on n’a aucune raison pour le faire mourir à cette date. M. Buchon , d’après des témoignages dignes de foi, a placé sa mort en 1410. « Son corps , dit une chronique manuscrite de Ghimay, y fut ensépulturé en la collégiale , en la chapelle où sont présentement les fonts baptismaux. Après sa mort, on fit beaucoup de vers à sa louange. »

En racontant la vie de Froissart , nous avons fait connaître le caractère de son ouvrage; ce n’est pas une histoire sérieuse , à la fois impartiale et nationale, telle que l’a écrite le religieux de Saint-Denis (1), c’est un tableau brillant et superficiel du quatorzième siècle. L’auteur, toujours au service de quelque haut baron, semble à peine se douter qu’il existe une autre classe que la noblesse. Il est indifférent aux souffrances du peuple, et réserve ses complaisants récifs pour les combats et les fêtes des seigneurs. Il prend également ses héros en Angleterre et en France, mais toujours parmi les nobles, et il ne leur demande que du courage , de la libéralité , l’amour des lettres , fort disposé d’ailleurs à leur pardonner tous les excès. En un mot, une moralité élevée manque tout à fait à ces charmantes peintures, et à ce point de vue Froissart ne saurait soutenir la comparaison avec Villehardouin et Joinville. Il a écrit dès le début de sa chronique : « Ains que je la commence , je requiers au Sauveur de tout le monde, qui de néant créa toutes choses , qu’il veuille aussi créer et metti’e en moy sens et entendement si vertueux que ce livre que j’ai commencé je le puisse continuer et persévérer en telle manière que tous ceux et celles qui le liront, verront et orront, y puissent prendre ébatement et plaisance. » Ce but A’ ébatement et de plaisance que se proposait Froissart, il l’a parfaitement atteint. Pour le charme du récit , la vivacité pittoresque des descriptions , la richesse du coloris, et cette naïveté piquante qui donne à tout un air de nouveauté , ses Chroniques n’ont pas d’égales dans la littérature française.

La première édition de Froissart parut sous le titre de Chroniques de France, d’Angleterre, d’Ecosse, d’Espagne, de Bretagne, deGascongne, Flandres et lieux d’alentour; Paris, chez Antoine Vérard, sans date, 4 vol. in-fol. gothique. Cette édition fut réimprimée à Paris, 1505, 1514, 1518, 1530. Denys Sauvage en donna une édition, « revue et corrigée sur divers exemplaires et suivant debonsauteurs » ; Lyon, 1559-1561, in-fol.; réimprimée à Paris, 1573, 1574, 1576. Toutes ces éditions sont incomplètes et ^incorrectes. Dacier (1) Chronigue du religieux de Saint-Denis, tente et traduction par Bcllaguet; P»rls, 18W, In-i». en entreprit une nouvelle, et y consacra plus de dix ans ; il n’avait encore fait imprimer que les soixante-dix-neuf premières feuilles du tome P’ in-fol. lorsque la révolution interrompit son travail , qui, bien des années après, fut repris par M. Buchon. Ce savant donna son édition à Paris, 1824, 15 vol. in-8°; il la réimprima avec d’importantes améliorations, sous ce titre : Les Chroniques de sire Jean Froissart, qui traitent des merveilleuses entreprises, nobles aventures et faits d’armes advenus en son temps en France, Angleterre, Bretaigne, Bourgogne, Ecosse, Espaigne, Portingal, et es autres, nouvellement revues et augmentées d’après les manuscrits, avec notes, éclaircissements, tables et glossaire; Paris, 1835- 1836, 3 vol. in-8°, dans le Panthéon littéraire. M. Buchon a recueilli dans son édition les Poésies (1) dans lesquelles Froissart parle de lui-même; il a donné aussi de curieux détails sur les manuscrits de Froissart, en particulier sur ceux de Cambray et de Valenciennes. M. Jean Yanoski a publié un volume d’extraits de Froissart; Paris, 1846, in-12. M. Léon Lacabane prépare, depuis plusieurs années, une nouvelle édition de Froissart. Ce travail offre des difficultés d’autant plus ’grandes que l’orthographe de la langue française à l’époque du chroniqueur était très-incertaine. « On parle souvent des beaux manuscrits de Froissard, dit M. O. Leroy, dans une lettre inédite : le savant linguiste qui le rééditera cherchera, lui, où sont les bons (2) , ceux où les règles suivies sous saint Louis, retrouvées par Raynouard pour les désinences des substantifs, et par nous pour celles des noms propres , sont observées ; elles le sont peu fidèlement, car à l’époque de confusion où Froissard écrivait, où rien n’était fixé en France, la langue flottait, amsi que tout le reste, et nous ne connaissons pas de manuscrits de cette époqtie sans fautes grossières. Celui de Valenciennes est un des plus anciens. Dans ce (1) Les poésies de Froissart n’ont janaais été publiées complètement;; Il en existe plusieurs manuscrits , deux entre autres à la Bibliothèque Impériale. Sans avoir une grande valeur littéraire , elles sont très-curieuses pour la biographie de l’auteur, et peignent à merveille cet esprit inquiet et impressionnable. S’il passe promptement d’une Idée à une autre , et si son esprit est aussi mobile que son corps, 11 nous en fait l’aveu, en se comparant à une horloge , dans une longue pièce de vers assez lourde, mais que le Journal de* 5ot)an<« (Juillet 1783) n’a pas dédaigné de citer à propos des progrès de l’horlogerie. Il y a pourtant dans les vers de Froissart , qu’ont réimprimés les Archives du Nord, une idée bien Ingé.aieuse, dont a profilé M. O. Leroy, dans son Irrésolu. Ces vers ;

Oui, mais ce balancier, qui, ne s’arrêtant point , Vient, va, revient sans cesse, et reste au même point... sont un résumé spirituel d’une longue Urade de Froissart. , ,

(8) Des nombreux manuscrits, le plus connu est celui de Rtiediger, conservé dans la bibliothèque de Breslau. C-t exemplaire fut écrit par David Aubert, en 1468, pour Antoine, fils de riiilippe le Bon . duc de Bourgogne et surnommé le grand Bastard de Bourgogne.