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de Leibnitz, et à la vis motrix il substitue vis activa : c’était un mot pour un autre. Son idée principale est l’élasticité infinie de la matière, qu’il définit « ce qui se meut dans l’espace ». Kant s’y montre cartésien, et ne laisse encore entrevoir aucune trace de son système futur. — 2° De Igne succincta Delineatio[1] ; c’est la thèse du doctorat en philosophie soutenue par Kant, le 17 avril 1755, et qui fut trouvée, en 1838, par M. Schubert, dans les manuscrits de la bibliothèque de Kœnigsberg. L’auteur pense que les dernières molécules de la matière ne sont pas en contact immédiat, mais qu’il y a des interstices remplis par la matière du feu (éther), qu’il appelle aussi materia elastica ou la matière du mouvement. — 3° la Monadologia physica est aussi une thèse, soutenue le 10 avril 1756, pour obtenir une place de répétiteur (Privat docent) près de l’université de Kœnigsberg[2] ; elle fut imprimée dans la même année (16 pages in-4o), et ne contient rien de remarquable. — 4° Neuer Lehrbegriff der Bewegung und Ruhe[3] (Nouvelle Doctrine du Mouvement et du Repos). C’est le programme d’un cours fait pendant le semestre d’été de 1758. Suivant l’auteur, les mots mouvement et repos ne doivent jamais être pris dans un sens absolu, puisque la Terre tourne autour du Soleil, qui lui-même tourne autour d’un autre centre, etc. — Von dem ersten Grunde des Unterschiedes der Gegenden im Raume (Du principe de la distinction des lieux dans l’espace)[4], article imprimé dans le Nouvelliste de Kœnigsberg, en 1768. Les divisions de l’espace et les dénominations d’en haut, d’en bas, à droite, à gauche, etc., dérivent, dit l’auteur, des divisions naturelles de notre corps. Kant rappelle ici que sur le sommet de la tête humaine les cheveux se tournent de gauche à droite ; que le houblon suit la même direction, tandis que les fèves vont de droite à gauche ; qu’il en faut chercher le point initial dans la semence, et que le côté droit a une prépondérance de mouvement sur le côté gauche, bien qu’en apparence les deux côtés soient égaux ; — Metaphysische Anfangsgründe der Naturwissenchaft (Éléments métaphysiques des Sciences naturelles) parut d’abord en 1766 et 1787, à Riga[5] ; c’est une série de propositions et de remarques qui n’offrent aujourd’hui rien d’intéressant au naturaliste.

Le volume VI contient les écrits scienlifiques de Kant proprement dits ; tels sont : La rotation de la Terre a-t-elle varié depuis son origine ? Cette question, proposée en 1754 par l’Académie des Sciences de Berlin, fit composer à Kant son histoire naturelle du ciel (Naturgeschichte des Himmels), publiée à


Kœnigsberg et Leipzig, en 1755, in-8o, réimprimée en 1808. L’auteur suppose que le mouvement de la marée, qui se fait en sens opposé de la rotation de la Terre, apporte à celle-ci quelque retard, mais qu’il faudrait des millions d’années pour que ce retard devint sensible[6]. Dans le chapitre Sur l’infini de la création dans l’espace et dans le temps, on trouve des aperçus qui furent repris et en partie démontrés par le célèbre astronome W. Herschel (voy. cet article). « Notre système du monde ne serait il pas, se demande Kant, un petit anneau du grand système de l’univers ? Si l’on suppose, dans l’immensité de l’espace, un point de départ pour la création des innombrables soleils de la voie lactée, ce point aura pu devenir, par sa masse, le centre d’une attraction puissante, autour duquel les étoiles tourneront comme les planètes autour du Soleil. La voie lactée est pour ces soleils ce que le zodiaque est pour nos planètes. Chacun de ces soleils forme, avec son cortége de planètes, un système du monde ; ce qui n’empêche pas de les considérer comme des parties d’un tout plus grand encore. Ne pourrait-on pas en effet supposer, dans l’infini de l’espace, d’autres voies lactées ? Nous avons vu avec surprise au ciel des lueurs elliptiques qui me paraissent être de ces voies lactées[7]. » Il est évident que Kant parle ici des nébuleuses, dont la plus connue (celle d’Ardromède) forme en effet une ellipse très-allongée. « Du reste, ajoute-t-il, dans la sphère des créations, on n’avancerait pas plus avec un rayon de la voie lactée que si l’on prenait un globe d’un pouce de diamètre : tout ce qui est fini, tout ce qui a un certain rapport avec l’unité est également éloigné de l’infini. Ce qui est vrai pour l’espace s’applique aussi au temps… Il s’est peut-être écoulé des millions d’années avant que la sphère où nous sommes placés fût arrivée à sa perfection actuelle ; et il se passera peut-être encore autant d’années pour que la même création retourne au chaos ; car tout se transforme ; ce qui a commencé doit finir pour se transformer de nouveau et ainsi de suite dans des séries de siècles qui se comptent par milliards, fractions infinitésimales de secondes de l’éternité[8]. » Tout ce chapitre est admirablement beau. — Mais les idées de Kant sur la constitution du soleil (qu’il considère comme un globe igné[9], sont inadmissibles depuis les travaux de Herschel. Il ne parle pas des taches. C’est un spectacle aussi curieux qu’instructif de voir Kant épuiser tout son savoir, déployer tout son talent pour expliquer d’une
  1. Vol. V. page 233-354.
  2. Ibid., pag. 237-274.
  3. Ibid., pag. 276-289.
  4. Ibid., pag. 233-301.
  5. Ibid., pag. 305-436.
  6. Plus tard, Laplace se demandait aussi si la durée du tour (rotation de la Terre) ne pourrait pas être altérée par des causes intérieures, telles que les volcans, les tremblements de terre, etc., et il trouva que depuis Hipparque, c’est-à-dire depuis plus de deux mille ans, elle n’a pas varié d’un centième de seconde.
  7. Vol. V, pag. 152 et suiv.
  8. Ibid., p. 153 et suiv.
  9. Ibid., pag. 172 et suiv.