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Page:Hoefer - Biographie, Tome 38.djvu/416

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de la liberté. Durant ces vingt-cinq années, Charles ne cessa de correspondre avec ses états en France et avec les princes ses parents. Il s’efforça sans relâche de négocier, du fond de sa prison, avec le duc de Bourgogne, avec les seigneurs anglais, le duc de Bretagne et autres potentats. Ses constants efforts avaient pour but de rétablir la paix entre les royaumes de France et d’Angleterre, condition préliminaire sans laquelle lui et son frère Jean, comte d’Angoulême, ne pouvaient songer à leur affranchissement. En 1436, après la paix d’Arras, le duc d’Orléans, dont le père avait péri victime de Jean sans Peur, rechercha les bonnes grâces de Philippe le Bon. Isabelle de Portugal, duchesse de Bourgogne, épousa la cause du proscrit. En 1439, après bien des tentatives infructueuses, Charles, duc d’Orléans, fut amené à Calais, et, d’accord avec la duchesse Isabelle, il figura en qualité d’ambassadeur français, pour le rétablissement final de la paix. Le 17 avril 1439, Charles VII avait donné les pouvoirs nécessaires pour obtenir la délivrance du duc. Le 21 mai, un traité préliminaire à cet effet fut signé à Londres. Le 24 juillet Charles d’Orléans traitait comme ambassadeur à Calais. Le 6 novembre 1440 il signait à Saint-Omer son contrat de mariage avec sa troisième épouse, Marie de Clèves (voy. ce nom), nièce du duc de Bourgogne. Ce mariage fut célébré dans la même ville avec magnificence, le 26 du même mois. Enfin des lettres patentes, données le 30 novembre 1440, au nom d’Henri VI, roi d’Angleterre, rendirent la liberté à Charles, duc d’Orléans, moyennant une énorme rançon.

Après son mariage à Saint-Omer, Charles, duc d’Orléans, fut décoré par Philippe le Bon de l’ordre de la Toison d’or. Il prit part immédiatement au chapitre de l’ordre, qui décerna deux colliers vacants aux ducs d’Alençon et de Bretagne. De là il suivit à Bruges et à Gand le duc de Bourgogne, qui lui prodigua toutes les marques d’une étroite amitié. Les Bourguignons, à l’exemple de leur duc, témoignèrent au prince français le zèle le plus chaleureux. Les familles du premier rang lui donnaient leurs fils comme pages. Chacun briguait l’honneur de se ranger sous sa bannière, espérant que l’astre politique du prince allait se lever. À Tournay, le duc ruiné, qui la veille n’avait pas un soldat sous ses ordres, comptait une suite de trois cents chevaux et autant de serviteurs, officiers ou clients, de sa retenue. Dans cet équipage, il se dirigea vers la France, pour aller saluer Charles VII

En ce moment (décembre 1440-janvier 1441), le roi de France venait d’étouffer à grand’peine la ligue princière connue dans l’histoire sous le nom de Praguerie. Charles VII, méfiant par nature (et cette leçon récente l’eût instruit à le devenir), ne vit pas sans ombrage l’attitude hautaine et le pompeux équipage de son parent. Ses conseillers se crurent menacés jusque dans leur existence politique. Le roi fit donc savoir au duc qu’il le recevrait volontiers, mais avec un train moins nombreux et « à privée mégnie ».

Charles, duc d’Orléans, blessé d’un tel avis, qu’il prit pour un affront, rompit sa route. Au lieu d’aller à Chartres faire hommage au roi, il prit son chemin par Saint-Quentin, Noyon, Compiègne, Senlis, Paris, Orléans ; puis vint fixer sa demeure en son château de Blois. Un an s’écoula sans qu’il rendît ses devoirs au souverain du royaume. Pendant que les défenseurs du pays combattaient, de nouveau, à Creil et à Maubuisson contre les Anglais, Charles d’Orléans voyagea dans le Perche et en Bretagne. De concert entre lui et les ducs de Bretagne et d’Alençon, les deux nouveaux compagnons de la Toison d’or ou alliés de Philippe le Bon, il forma des conciliabules avec les différents princes mécontents. Le duc de Bourgogne était l’âme et le centre de cette Praguerie mal dissoute. Charles, duc d’Orléans, prit part à l’assemblée de Nevers. Au mois de mai 1442, il envoya ses ambassadeurs au roi, qui résidait à Limoges, et comparut enfin peu de jours après devant le chef de sa famille. Charles d’Orléans se fit l’organe des mécontents. Ces princes tendaient à renouveler les scènes politiques dont Charles VI, pendant son règne, avait été le témoin et la victime ; ils voulurent dicter des conditions à la monarchie. Mais le roi de France s’était émancipé. Le duc fut éconduit, et renonça au rôle, trop lourd pour ses forces, qu’il avait imprudemment accepté. Charles, duc d’Orléans, avait souscrit envers l’Anglais une rançon de 400, 000 écus, sans compter celle de son frère. Le roi Charles VII, après l’avoir vaincu moralement et désarmé, l’enchaîna par ses bienfaits. Il lui fit don de 160, 000 livres comptant, et lui assigna une pension annuelle de 10, 000 livres tournois, qui fut bientôt portée à 18, 000.

Charles, duc d’Orléans, se désista désormais de toute prétention, de tout acte, soit guerrier, soit politique. Ami du luxe, du bien-être, du repos, il était né pour les douceurs de la vie privée, pour le far niente d’une existence d’artiste et les calmes spéculations de la pensée. Charles s’effaça complètement de la scène où s’agitaient les graves événements de cette période. Le dernier effort de la France pour triompher de l’Angleterre s’accomplit sans la moindre participation de ce prince français, qui après le roi personnifiait dans tous les esprits la cause française. Quand ses propres États du Milanais furent menacés et entamés par Ludovic Sforze, à peine se décida-t-il, par procuration, à tirer du fourreau son épée. Il ne figura dès lors que dans les cérémonies publiques. L’âge s’appesantissait de plus en plus sur cette organisation, que l’exil et le malheur avaient prématurément affaissée. Le 18 décembre 1464, il prit part aux états généraux réunis dans la ville de Tours, et voulut faire entendre au roi quelques remon-