Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/143

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de ses amis, et courut promptement dans le bois sur ses traces.

À peine avait-il parcouru l’espace de vingt ou trente pas, qu’il aperçut le référendaire Pulcher arrêté sous un grand arbre, et parlant ainsi, le regard levé vers le ciel : « Non ! je ne saurais plus long-temps souffrir cette honte ! — Toute espérance est anéantie pour moi. — Ma seule perspective maintenant est la tombe ! — Adieu ! monde, — existence, — avenir, — bien-aimée ! » À ces mots, le référendaire, abîmé de douleur, tira de son sein un pistolet et se l’appliqua sur le front.

Balthasar s’élance avec la rapidité de l’éclair, s’empare du pistolet qu’il jette au loin, et s’écrie : « Pulcher ! au nom du ciel ! qu’as-tu, que fais-tu ? »

Le référendaire était tombé à moitié évanoui sur le gazon, et il resta plusieurs minutes sans reprendre connaissance. Balthasar, assis auprès de lui, lui adressait maint discours pour le consoler, autant que cela lui était possible sans connaître le motif de son désespoir. Il lui avait déjà demandé cent fois ce qui avait pu lui arriver de si terrible pour éveiller en lui la noire idée du suicide. Enfin Pulcher, après avoir soupiré profondément, parla ainsi :

« Tu connais ma position gênée, mon cher Balthasar, tu sais que j’avais mis toutes mes espérances dans l’obtention de la place de secrétaire intime, vacante auprès du ministre des affaires étrangères ; tu sais avec quel zèle, quelle application je m’étais préparé. J’avais remis mes compositions écrites, et j’appris à ma grande joie qu’elles avaient obtenu du