Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/144

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ministre la plus complète approbation. Juge de la confiance avec laquelle je me présentai aujourd’hui même dans la matinée pour subir l’examen oral. En entrant dans la chambre où il devait avoir lieu, j’y trouvai un petit drôle contrefait qu’on appelle le sieur Cinabre, et que tu as eu peut-être occasion de voir. Le conseiller de légation qui était chargé de l’examen vint à. moi avec complaisance et me dit que monsieur Cinabre se mettait aussi sur les rangs pour concourir à la place que je sollicitais, et qu’il allait par conséquent nous examiner tous les deux. Puis il me dit tout bas à l’oreille : « Vous n’avez rien à craindre de votre concurrent, mon cher référendaire: les compositions par écrit qu’a remises le petit Cinabre sont pitoyables ! »

» L’examen commença. Je ne manquai de répondre à aucune question. Pour Cinabre, il ne savait rien, absolument rien. Au lieu de répondre, il croassait et piaillait des choses complètement inintelligibles : il tomba aussi deux ou trois fois du haut de sa chaise en gigottant malhonnêtement avec ses petites jambes, de sorte que je fus obligé de le ramasser. Le cœur me battait de plaisir ; les regards bienveillants que le conseiller adressait au nain me paraissaient être une ironie amère. L’examen était terminé. Comment peindre ma stupéfaction… ? je crus me sentir englouti par un coup de foudre subit à vingt toises sous terre, lorsque le conseiller s’approcha du petit monstre, l’embrassa et lui dit : « Sublime jeune homme ! quel savoir ! — quelle intelligence ! quelle pénétration ! » Et se tournant vers moi :