Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/169

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» Mais, frère, dit Balthasar tout en marchant sur la grande route derrière Fabian, je ne sais en vérité quel singulier habit tu as eu l’idée de mettre aujourd’hui, avec des basques si démesurément longues et des manches aussi courtes. »

Fabian s’aperçut en effet, à sa grande surprise, que les pans de son frac s’étaient allongés par derrière jusqu’à terre, et qu’au contraire les manches, qui avaient d’abord une longueur convenable, s’étaient raccourcies jusqu’aux coudes.

« Mille tonnerres ! que signifie cela ? » s’écria-t-il. Et il se mit à tirailler vivement ses manches, en même temps qu’il remontait les épaules. Les choses paraissaient en effet un peu remises en ordre ; mais lorsqu’ils arrivèrent à la porte de la ville, Fabian vit encore ses manches se raccourcir et ses basques s’allonger de telle sorte que, malgré tous ses tiraillements et ses mouvements d’épaules en sens contraire, les manches furent bientôt remontées jusqu’aux épaules mêmes, laissant à découvert les deux bras, et que le pauvre Fabian trainait derrière lui une queue ridicule qui s’allongeait incessamment. Tout le monde s’arrêtait et riait à gorge déployée de cet étrange spectacle ; les polissons sautaient à l’envi et couraient par douzaines, en jetant des clameurs de joie et de raillerie, sur cette queue trainante, ce qui exposait à chaque instant Fabian à des chutes dont il se relevait toujours sans que la queue maudite fût diminuée du plus petit morceau. Au contraire, elle devenait de plus en plus incommensurable, et les rires et les cris de joie tou-