Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/175

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Pulcher et Adrian, soupçonnant quelque manœuvre mystérieuse, osèrent escalader une nuit le mur du jardin, pour se cacher près de cette haie, après avoir appris, par son valet de chambre, que neuf jours auparavant Cinabre avait fait son manège ordinaire. À peine l’aurore commençait-elle à poindre, qu’ils virent arriver le nain, toussant et reniflant en traversant une allée de fleurs, dont les tiges et les branches, chargées de rosée, lui battaient dans le nez.

Lorsqu’il fut arrivé sur la pelouse, un zéphir doux et mélodieux parcourut le feuillage, et le parfum des roses devint plus pénétrant. Une belle femme voilée, avec des ailes diaphanes, descendit des airs, s’assit sur une chaise de forme élégante, au milieu des buissons de rosiers, et attira sur ses genoux le petit Cinabre, en lui disant à voix basse : « Viens, mon cher enfant. » Puis, elle commença à peigner avec son peigne d’or les beaux cheveux qui tombaient en boucle sur le dos du nain. Celui-ci paraissait y prendre un vif plaisir ; car il clignotait de ses gros yeux, étendait ses minces jambes de toute leur longueur, et grondait et murmurait comme un matou au soleil. Cela avait bien duré cinq minutes : alors la dame magicienne passa une dernière fois un seul doigt le long de sa tête en lui séparant les cheveux, et aussitôt Pulcher et Adrian aperçurent une ligne couleur de feu qui rayonnait sur le crâne de Cinabre. « Adieu, mon cher enfant ! lui dit la belle dame, sois sage et prudent ! aussi sage que tu peux l’être.