Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/178

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lui était arrivé, celui-ci s’écria tout ravi : « Quel zèle pour le service de l’état ! quelle dignité, quelle élévation dans sa conduite ! — Quel homme que ce Cinabre ! —

» Mon excellent conseiller spécial intime, dit à Cinabre le ministre Pretextatus Clair-de-Lune, c’est en vérité un dévouement admirable de venir assister au conseil sans égard à votre état de maladie. — J’ai jeté sur le papier l’ébauche d’un mémoire sur notre importante négociation avec la cour de Kakatukk ; c’est mon œuvre personnelle ; mais je vous prie d’en faire la lecture devant le prince, qui sera prévenu que j’en suis le véritable auteur ; car votre spirituel débit en relèvera encore le mérite. » — Pourtant, personne autre qu’Adrian n’avait rédigé ce mémoire dont Prætextatus prétendait retirer tout l’honneur.

Le ministre se rendit avec le petit au palais. Cinabre tira de sa poche le mémoire que lui avait remis Clair-de-Lune, et commença à lire ; mais comme il ne pouvait absolument pas en venir à bout, ne faisant que bredouiller et bourdonner de la manière la plus incohérente, le ministre lui ôta le papier des mains et lut lui-même.

Le prince paraissait enchanté, il témoignait sa satisfaction en s’écriant à chaque instant : « Bien ! — très-bien ! admirable ! sublime ! » —

Quand le ministre eut fini, le prince s’avança tout droit vers le petit Cinabre, le souleva dans ses bras, le pressa sur sa poitrine à la place même où brillait la grande étoile de l’ordre du Tigre moucheté de vert, et il bégayait en répandant d’abondantes larmes : « Non !