Aller au contenu

Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— un pareil homme, — un pareil talent ! — tant de zèle, de dévouement ! — c’est trop, c’est trop ! » Puis il ajouta d’un ton plus calme : « Cinabre ! je vous élève au rang de mon ministre ! Restez le défenseur, le soutien de la patrie, le fidèle serviteur des Barsanuph, qui sauront vous honorer et vous aimer comme vous le méritez ! » Ensuite, se retournant avec un air chagrin vers l’autre ministre : « Je m’aperçois, dit-il, mon cher baron Clair-de-Lune, que depuis quelque temps vos forces diminuent. Vous ferez bien d’aller prendre un repos nécessaire dans vos terres. — Adieu. »

Le ministre Clair-de-Lune s’éloigna en murmurant entre ses dents quelques mots inintelligibles, et jetant des regards étincelants sur Cinabre qui, suivant son habitude, sa petite canne appuyée contre sondos, se haussait sur la pointe des pieds et regardait autour de lui d’un air altier et dédaigneux.

« Je veux, mon cher Cinabre, dit alors le prince, vous conférer sur-le-champ un honneur digne de votre haut mérite : recevez donc de mes mains l’ordre du Tigre moucheté de vert ! »

Là-dessus, le prince voulut le décorer du cordon de l’ordre que, dans son empressement, il s’était fait apporter par son valet de chambre ; mais la structure contournée de Cinabre fit que le cordon ne voulut pas absolument s’adapter au corps du nouveau dignitaire conformément à la régle, tantôt remontant de la façon la plus ridicule, et tantôt pendillant par derrière d’une manière non moins inconvenante.