Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/188

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d’excellent café moka tout fumant, je crois qu’à présent nous savons tous deux suffisamment à quoi nous en tenir l’un sur l’autre. — Je suis vraiment fâché que votre joli peigne se soit brisé sur mon carreau.

» Je ne dois m’en prendre qu’à ma maladresse, répliqua la demoiselle de Rosebelle en sirotant son café avec satisfaction. Il faut se garder de rien laisser tomber sur ce carreau ; car, si je ne me trompe, ces pierres portent l’empreinte d’hiéroglyphes merveilleux que bien des gens doivent prendre sans doute pour les veines ordinaires du marbre.

» Ces pierres, ma gracieuse demoiselle, dit Alpanus, sont des talismans usés, pas autre chose.

» Mais, mon excellent docteur, s’écria la demoiselle, comment se fait-il que nous n’ayons pas noué connaissance plus tôt, et que depuis si long-temps nous ne nous soyons pas rencontrés une seule fois par le monde ?

» La diversité de nos éducations, ma parfaite demoiselle, en est la cause, répondit Prosper Alpanus. Pendant que vous, jeune fille riche d’espérances, vous pouviez, dans le Dschinnistan, suivre l’élan d’une nature privilégiée, et vous abandonner à votre heureux génie, moi, triste étudiant, j’étais confiné dans les profondeurs des Pyramides, où je suivais les cours du professeur Zoroastre, une vieille barbe grise, mais qui en savait diablement long. Ce fut sous le règne du digne prince Démétrius que je vins m’établir dans ce charmant petit pays.

» Comment ! reprit la demoiselle, et vous n’avez