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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/199

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et s’assit à ses côtés ; la libellule s’envola dans un buisson voisin, et mêla sa douce voix aux chants mélodieux dont tout le bois retentissait. Le docteur toucha le front de Balthasar avec un bouquet de fleurs merveilleusement éclatantes qu’il tenait à la main, et aussitôt celui-ci sentit son âme embrasée d’un nouveau courage.

« Tu me fais grandement injure, cher Balthasar, dit Prosper Alpanus d’une voix douce, en m’appelant perfide et cruel, au moment où j’ai réussi à me rendre maître du charme funeste qui fait ton malheur, et quand, dans mon empressement de venir te consoler, j’arrive sur ma monture gracieuse et favorite, et t’apporte tout ce qui doit assurer ta félicité. — Mais rien n’est plus pénible que souffrance d’amour, rien n’égale l’impatience d’un esprit consumé de langueur et de désirs. Je te pardonne ; car je ne me suis pas mieux montré moi-même, lorsque, il y a environ deux mille ans, j’aimais une princesse indienne, nommée Balsamine, et que, dans mon injuste délire, j’arrachai sa barbe à mon meilleur ami, le magicien Lothos. C’est pour cela que je n’en porte pas, comme tu vois, afin d’éviter un semblable accident. — Mais le moment serait mal choisi pour te raconter tout cela en détail, attendu que les amoureux ne souffrent qu’on leur parle que de leur amour comme de la seule chose qui soit digne d’attention, de même qu’un poète n’entend réciter volontiers que ses propres vers. Ainsi donc, au fait !

» Apprends que Cinabre est l’enfant rachitique d’une pauvre paysanne, et que son véritable nom