Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/214

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nous n’en devons pas douter, à désensorceler l’odieux Cinabre, vous jouirez ainsi que moi d’un parfait bonheur. »

Au milieu du salon de Mosch Terpin, éclairé par cent bougies, le petit Cinabre, en habit écarlate brodé d’or, se balançait arrogamment avec le grand cordon de l’ordre du Tigre moucheté de vert aux vingt boutons autour du corps, l’épée au côté et le chapeau à plumes sous le bras. Près de lui, la charmante Candida rayonnait de grâce et de jeunesse dans sa riche toilette de mariée. Cinabre avait saisi sa main que, de temps en temps, il pressait sur ses lèvres en ricanant et en grimaçant d’une manière horrible ; et alors une plus vive rougeur passait chaque fois sur les joues de Candida, qui regardait le nain avec l’expression du sentiment le plus tendre. C’était un spectacle repoussant, et il fallait que chacun fût complétement aveuglé par l’enchantement attaché au sieur Cinabre pour ne pas voir avec rage l’infâme fascination de Candida par ce petit drôle, et n’en avoir pas déjà vingt fois tiré vengeance en le jetant dans le feu de la cheminée.

Toute la société était rassemblée en cercle autour des deux fiancés à distance respectueuse. Prince Barsanuph s’était seul approché de Candida, et il s’appliquait à jeter de côté et d’autre des regards prétentieusement gracieux ; mais personne ne paraissait y faire attention. Tous les regards étaient exclusivement occupés du couple, et se fixaient surtout sur les lèvres de Cinabre, d’où s’échappaient par