Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/227

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meil matinal de son Excellence, on venait de jeter hors de l’hôtel la paysanne, que chacun prenait pour une folle.

Mais elle alla s’asseoir alors sur les marches de pierre de la maison en face, et elle se lamentait, en sanglottant, de ce que ces grossiers domestiques de l’hôtel ne voulaient pas la laisser pénétrer auprès de son petit Zach, devenu premier ministre. Il se rassembla peu à peu un grand concours de monde autour d’elle, et elle répétait incessamment que le ministre Cinabre n’était autre que son fils, qu’elle appelait dans son enfance petit Zach, tant et si bien que les gens ne savaient plus à la fin s’ils devaient la croire vraiment folle, ou s’il ne fallait pas soupçonner un fondement de réalité dans ses discours.

La femme ne détournait pas les yeux des fenêtres de Cinabre. Tout-à-coup elle partit d’un bruyant éclat de rire, frappa ses mains l’une contre l’autre, et s’écria au comble de la joie : « Le voilà mon petit bout d’homme chéri, mon petit farfadet, mon fillot. — Bonjour, petit Zach ! » Tous les assistants levèrent les yeux ; et lorsque l’exigu ministre, avec son habit écarlate brodé, le corps ceint du cordon de l’ordre du Tigre moucheté de vert, apparut à leurs yeux derrière la croisée de niveau avec le plafond, de sorte que toute sa personne était visible à travers les larges carreaux, tous se mirent à rire aux éclats et à crier à l’envi : « Petit Zach ! — petit Zach ! ha ! voyez-donc ce petit babouin harnaché ! — le pitoyable avorton, — la laide mandragore. — Petit Zach ! — petit Zach ! »