Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/228

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Le portier et tous les domestiques de Cinabre sortirent de l’hôtel pour voir ce qui causait parmi la foule cette gaîté délirante. Mais ils n’eurent pas plus tôt aperçu leur maître, qu’ils crièrent encore plus fort que les autres en riant à gorge déployée: « Petit Zach ! — petit Zach ! — sapajou ! — poucet ! — mandragore ! »

Le ministre parut alors seulement s’apercevoir que le sujet de ce tumulte étourdissant n’était autre que sa propre personne. Il ouvrit la croisée d’un mouvement impétueux, et, jetant en bas des regards étincelants de colére, il cria, tempêta, bondit comme un furieux, et menaça tout le monde de la garde, de la police, de la prison et du cachot.

Mais plus l’Excellence s’abandonnait aux transports de son courroux, plus les rires et le tapage devenaient intenses. La foule en vint bientôt à jeter contre l’infortuné Cinabre des pierres, des pommes, des légumes, tout ce qui se trouvait à portée. Le ministre fut obligé de battre en retraite.

« Dieu du ciel ! s’écria le valet de chambre effrayé, mais c’est à la fenêtre de la chambre de son Excellence que l’affreuse petite pécore s’est montrée. Qu’est-ce que cela signifie ? — Comment ce nabot ensorcelé a-t-il pu pénétrer jusque-là ? » Il court promplement en haut, mais la chambre du ministre est, comme auparavant, solidement fermée. Il se hasarde à frapper légèrement… Pas de réponse ! —

Sur ces entrefaites, le ciel sait à quel propos, de sourdes rumeurs commençaient à accréditer parmi le peuple la nouvelle que l’homoncule risible qui