Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/230

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ponse, pas le moindre bruit. L’écho moqueur des hauts lambris de marbre répondait seul à sa voix. Cinabre semblait avoir disparu sans laisser de trace ni d’ombre. — Le calme était rétabli au-dehors ; le valet de chambre entendit la voix sonore et imposante d’une femme qui haranguait le peuple, et il vit, en jetant les yeux par une fenêtre, des groupes nombreux quitter l’hôtel en chuchottant à voix basse, et en jetant derrière eux des regards pensifs.

« L’émeute paraît apaisée, dit le valet de chambre, maintenant sa gracieuse Excellence sortira de sa cachette. » Il retourna dans la chambre à coucher, supposant que le ministre ne pouvait être que là.

Après avoir regardé partout d’un œil scrutateur, il aperçut enfin deux petites jambes minces et raides sortant d’un joli vase à anses et en argent qui restait toujours auprès de la toilette, et auquel le ministre attachait beaucoup de prix, parce que c’était un présent qu’il avait reçu du prince.

« Dieu ! — Dieu ! s’écria le valet de chambre consterné, Dieu ! — Dieu ! si je ne me trompe, voilà des petites jambes qui appartiennent à son Excellence monsieur le ministre Cinabre, mon gracieux maître ! » Il approcha, et, frissonnant d’un mortel effroi, il cria en se baissant : « Excellence ! — Excellence ! — au nom du ciel ! que faites-vous… que faites-vous, enfoncé là-dedans ! »

Mais, comme Cinabre restait silencieux, le valet de chambre comprit quel danger menaçait d’engloutir son Excellence, et qu’il était temps de mettre