Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/254

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à dîner, à la table d’hôte !) ne sait peut-être pas encore que cet hôtel est attenant au théâtre. Cette porte en tapisserie donne sur un petit corridor d’où vous entrez immédiatement au nº 23, la loge des étrangers.

» Quoi ? — théâtre ? — loge des étrangers ?…

» Oui, la petite loge des étrangers, qui contient deux ou trois personnes au plus, et ne sert que pour les personnes de distinction, toute tapissée en vert, grillée sur le devant, tout près du théâtre. S’il plaît à son excellence ?… Nous jouons aujourd’hui Don Juan du célèbre monsieur Mozart, de Vienne. Nous porterons en compte le prix d’entrée, un thaler huit gros. »

Le garçon, en prononçant ces derniers mots, ouvrait déjà devant moi la porte de la loge, tant j’avais mis de précipitation à me diriger vers le corridor au mot de Don Juan. — La salle était spacieuse, décorée avec goût, et splendidement illuminée pour une localité aussi modeste. Les loges et le parterre étaient combles.

Je m’assurai, aux premiers accords de l’ouverture, que j’allais, grâce à un excellent orchestre, jouir de ce chef-d’œuvre dans toute sa perfection, pour peu que les chanteurs s’y prêtassent de leur côté. — L’andante me fit concevoir l’horreur et la nuit funèbre de l’affreux regno del pianto1, je me sentis pénétré du glacial pressentiment de la désolation infernale. La fanfare joyeuse de la septième mesure de l’allégro sonna à mes oreilles comme un cri de joie et de triomphe poussé par le génie du crime ;