Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/255

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je voyais des démons tout en flammes s’élancer du sein des ténèbres et menacer de leurs griffes brûlantes des groupes dansant avec l’ardeur et l’imprévoyance de la jeunesse sur un mince plancher au-dessus d’abîmes sans fond. Le conflit de la nature humaine avec les puissances occultes et fatales qui l’assiègent et méditent sa ruine apparut clairement aux yeux de mon esprit.

Enfin l’orage s’apaise, le rideau se lève. Leporello, transi et plein d’humeur, se promène enveloppé dans son manteau, devant le pavillon, au milieu d’une épaisse nuit. — Notte e giorno faticar2 !… C’est donc en italien ? Quoi ! dans ce lieu allemand de l’italien ? Ah che piacere ! je vais donc entendre tous les récitatifs, tout l’opéra tel que le grand maître l’a imaginé et conçu du fond de son âme ! —

Voilà Don Juan qui se précipite hors de la maison. Derrière lui, Donn’Anna retenant le séducteur par son manteau. Quelle femme ! Elle pourrait être plus grande, avoir une taille plus élancée, une démarche plus imposante, mais quelle tête ! — Des yeux d’où la colére, l’amour, la haine, le désespoir s’échappent comme d’un foyer brûlant en de lumineuses gerbes d’étincelles rayonnantes qui allument au fond de notre être un incendie spontané et inextinguible ! Les tresses dénouées de sa brune chevelure serpentent en anneaux flexibles sur ses épaules. Sa blanche robe de nuit découvre traîtreusement des charmes qu’on ne saurait entrevoir sans danger. Son cœur, oppressé par l’épouvantable attentat, palpite avec violence… Et puis — quelle voix ! Non sperar