Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

se non m’uccidi3. Ces sons, articulés avec une vibration métallique, sont des éclairs ardents au milieu de la tempête qui gronde dans l’orchestre. — C’est en vain que Don Juan veut s’arracher à son étreinte. Le veut-il en effet ? Pourquoi ne repousse-t-il pas cette femme d’une main vigoureuse, et ne s’enfuit-il pas ? La conscience de son forfait lui ôte-t-elle la force d’agir, ou bien est-ce la lutte intérieure de son amour et de la passion du mal qui l’arrête et le décourage ?

Le vieux Padre a payé de sa vie son attaque imprudente au sein de l’obscurité contre cet adversaire redoutable. Don Juan et Leporello, pendant leur dialogue en récitatif, s’avancent davantage vers la rampe. Don Juan entr’ouvre son manteau, et laisse voir un magnifique costume de velours rouge avec des broderies en argent. C’est une figure imposante et altière. Son visage est d’une mâle beauté ; un nez proéminent, des yeux perçants, les lèvres délicatement modelées. Au-dessus des sourcils, le jeu bizarre d’un muscle frontal, plus rapide que l’éclair, donne par moments à sa physionomie quelque chose de méphistophélique qui, sans troubler l’harmonie de ses traits, fait naître pourtant un frisson involontaire ; c’est comme s’il était doué de la puissance fascinatrice qui distingue le serpent à sonnettes, comme si un de ses regards jeté à une femme devait lui nier la faculté de se soustraire à ses desseins et l’obliger en quelque sorte, par une obsession diabolique, à consommer elle-même sa propre ruine.

Long et fluet, avec une veste à raies blanches et