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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/258

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passée, mais des plus remarquables, invective le perfide Don Juan : Tu nido d’inganni,… et dans le moment où le compatissant Leporello fait cette remarque judicieuse : parla come un libro stampato5, il me sembla que quelqu’un se plaçait derrière moi ou à mon côté. L’on pouvait aisément avoir ouvert la porte de la loge et s’y être glissé sans bruit. — Je crus sentir un coup de poignard m’entrer dans le cœur. J’étais si heureux de me trouver seul dans la loge, et libre d’embrasser, comme avec des bras de polype, de toutes mes fibres sensitives, ce chef-d’œuvre si parfaitement représenté, afin de m’identifier avec lui ! Un seul mot, qui aurait pu être en outre une sottise, m’aurait douloureusement arraché à l’enivrement sublime de cette extase poético-musicale. Je résolus de ne faire aucune attention à mon voisin, et, tout entier au spectacle, de me soustraire à la moindre question, de ne pas échanger un seul regard. La tête appuyée dans ma main, le dos tourné au nouveau venu, je tenais donc les yeux fixés sur la scène.

La suite de la représentation répondait à son brillant début. La friponne et galante Zerlina rassurait le bénêt de Mazetto avec des mines et des façons ravissantes de grâce. Dans l’air impétueux : Fin ch’han dal vino calda la testa6, Don Juan laissa voir à nu le fond ulcéré de son âme, son ironique mépris pour ces pygmées qui l’entourent et dont il se joue, et le besoin qui le tourmente de se jeter à la traverse de leurs mesquines actions. Là surtout se fit remarquer son étrange froncement de sourcils.