Aller au contenu

Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/260

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ement. Sa bouche, à ce qu’il me sembla, se contracta alors en un sourire doucement ironique, où je vis se réfléchir en quelque sorte ma sotte figure. Je sentais la nécessité de lui adresser la parole, et cependant je ne pouvais remuer ma langue glacée par la stupéfaction, je dirais presque par la terreur. Enfin, enfin ces mots sortirent presque involontairement de ma bouche : « Comment se fait-il que vous soyez ici ? » À quoi elle répliqua aussitôt dans le plus pur toscan, que si je ne parlais ni ne comprenais l’italien, elle se verrait privée du plaisir de mon entretien, attendu qu’elle ne savait pas d’autre langue. — Ces douces paroles résonnèrent à mon oreille comme un chant mélodieux. Tandis qu’elle parlait, la vive expression de son regard s’exaltait encore, et chaque éclair qui jaillissait de ses yeux d’un bleu foncé enflammait tout mon être d’une telle ardeur, que le sang bouillonnait dans mes artères, et que je sentais toutes mes fibres tressaillir.

C’était donn’Anna indubitablement. Il ne me vint pas à l’esprit de peser la possibilité du fait de sa présence simultanée sur le théâtre et dans la loge. Mais, ainsi qu’une foi sincère nous fait admettre le caractère merveilleux, la liaison surnaturelle des coïncidences les plus étranges qu’un rêve heureux nous présente, — ainsi dans le voisinage de cette femme extraordinaire, je tombai dans une espèce de somnambulisme, grâce auquel je découvris les rapports mystérieux qui m’unissaient à elle si intimement, que même son apparition sur la scène n’avait pu la séparer de moi. — Quel plaisir j’éprouverais,