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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/262

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ta création ? — Je t’ai compris ; ton âme tout entière c’est révélée à moi dans l’harmonie de cette partition. — Oui (ici elle prononça mon prénom), je t’ai évoqué dans mes chants, ainsi que je me retrouve moi-même dans tes mélodies. »

La clochette du théâtre se fit entendre. Une pâleur subite décolora le visage non fardé de donn’Anna. Elle porta la main à son cœur, comme si elle ressentait une douleur aiguë, et elle se leva pour sortir, en disant à voix basse : « Malheureuse Anna ! c’est à présent que tu touches au moment le plus terrible… »

Le premier acte m’avait ravi ; mais, après cette scène si miraculeuse, la musique me causa une impression toute différente el indicible. C’était comme une réalisation merveilleuse dès long-temps enviée des rêves les plus séduisants d’un monde supérieur ; comme si les pressentiments les plus intimes et les plus extatiques de l’âme rélégués dans les notes se formulassent en d’étranges accords d’une manière sensible et positive. — Pendant la scène de donn’Anna, un souffle chaud et caressant vint m’effleurer et me fit tressaillir d’une volupté enivrante ; mes yeux se fermèrent involontairement, et je crus sentir un baiser de flamme embraser mes lèvres ; mais cette illusion était l’effet électrique d’une modulation prolongée avec un accent d’aspiration suprême, avec l’élan impatient du cœur vers l’infini, vers l’éternité !…

Le finale avait commencé sur un ton d’insolente allégresse : Già la mensa e preparata !7