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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/269

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l’avoue consciencieusement, un tel homme n’est guère digne que les puissances souterraines le protègent comme un suppôt privilégié de l’enfer ; qu’une statue de marbre, vivifiée par l’esprit éternel, se donne la peine de descendre de son piédestal pour exhorter le pécheur à se repentir avant sa dernière heure ; enfin que Satan mette en campagne ses soldats les plus aguerris pour ajouter une horreur solennelle à son entrée dans le sombre royaume.

Va, crois-moi, Théodore ! Don Juan fut doué par la nature, comme son enfant gâté le plus chéri, de tout ce qui rapproche le plus l’homme de la divinité. Elle le distingua de la tourbe vulgaire, et je dirais presque des ouvrages de pacotille qui sortent bruts de l’atelier, sans plus de valeur qu’un simple zéro, lequel n’acquiert d’importance que par le chiffre dont on le fait précéder. C’est ainsi que Don Juan est prédestiné à dominer et à vaincre. — Une riche et robuste organisation corporelle, le germe déposé dans son sein des pressentiments les plus surhumains, un caractère magnanime, une intelligence vaste et rapide ! — Mais ce qui rend affreuse la condition de l’homme déchu, c’est qu’il reste exposé aux embûches du démon, même en usant de toutes ses facultés pour embrasser l’infini, que lui propose pour but sa nature spirituelle. Ce conflit entre l’essence divine et les tentations de l’enfer constitue l’idée de la vie terrestre, de même que du triomphe de la première résulte la notion de la vie céleste et bienheureuse. — Don Juan respirait l’ardeur de jouir, conséquence naturelle de son organisation physique