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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/271

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tèrent toutes les puissances de son âme si amèrement déçue.

Dés-lors Don Juan ne vit plus pour but dans la possession de la femme l’assouvissement de sa sensualité, mais une audacieuse ironie contre la nature et le Créateur. Sa rébellion, je le répète, fut dirigée surtout contre les femmes, par suite de son profond dédain pour les triviales tendances de cette vie, auxquelles il se sentait supérieur, et par amère dérision pour les hommes qui prétendaient obtenir d’un amour heureux et de l’union bourgeoise dont il est le précurseur, la satisfaction, même incomplète, des désirs plus vastes que la nature a déposés pour leur malheur au fond de leur sein. Il résolut donc de braver hardiment, en ennemi déclaré, cet être inconnu, l’arbitre suprême des destinées, dans lequel il ne vit plus qu’un monstre avide de nos souffrances et se faisant un jeu cruel de décevoir et de confondre les êtres pitoyables créés par lui dans un accés d’humeur moqueuse. — Dans la séduction d’une épouse adorée, dans la perturbation violente d’un amour partagé, Don Juan ne vit plus désormais qu’autant de victoires remportées sur ce génie pervers et jaloux, et qui l’élevaient toujours davantage au-dessus de sa misérable condition, en dépit de la nature et de Dieu lui-même ! Aussi n’aspire-t-il que de plus en plus à sortir de cette vie, mais il n’a plus que l’enfer en perspective. — La séduction d’Anna avec les circonstances qui l’accompagnent est le point culminant de la route fatale où Don Juan se fait gloire d’avancer. —