Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/272

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Donn’Anna sert de pendant à Don Juan comme douée des plus hautes faveurs de la nature. Ainsi que Don Juan était primitivement un homme plein de facultés nobles et puissantes, ainsi c’est une femme prédestinée dont l’âme pure est restée vierge des atteintes du démon. Tous les efforts de l’enfer ne peuvent consommer que sa perdition terrestre.

Dès que cette œuvre fatale fut accomplie, Satan ne put différer plus long-temps de remplir son rôle de vengeur, en exécution des arrêts du ciel. — Don Juan invite ironiquement le vieillard qu’il a tué à assister en effigie à son joyeux souper ; et l’esprit divin, compatissant au sort de l’homme déchu et s’intéressant à lui en ce moment suprême, ne dédaigne pas de venir lui-même, sous un aspect terrifiant, l’engager à se repentir. Mais cette âme est tellement pervertie, tellement aigrie contre la Providence, que l’espérance même de la béatitude éternelle ne peut y allumer, hélas ! aucune étincelle capable de la guider dans une voie meilleure !…

Tu auras sans doute été frappé, mon Théodore, de l’emploi du mot séduction à l’égard d’Anna ; et je vais en peu de mots, aussi clairement que je puis le faire à cette heure où les sentiments et les idées dont mon âme déborde trouvent tout langage impuissant, je vais te dire sous quel aspect se présentent à mon esprit dans l’œuvre musicale, et sans aucun égard au texte qu’elle revêtit, le contraste et le rapport des deux natures engagées dans cette lutte, je veux dire Don Juan et Donn’Anna.

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