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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/274

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Voilà pourquoi elle provoque sans cesse à la vengeance son morne fiancé ; elle-même poursuit le traître, et ce n’est que lorsque les puissances souterraines l’ont entrainé enfin dans l’abîme, qu’elle recouvre une apparence de tranquillité. — Mais elle refuse de céder encore aux instances de son futur impatient : Lascia, o caro, un anno ancora allo sfogo del mio cor8 ! Elle ne doit pas survivre aussi long-temps. Jamais Don Ottavio ne pressera dans ses bras celle que sa pieuse vocation préserva de se voir consacrée à Satan par une union maudite. —

Combien tout cela fit sur moi une impression énergique et profonde dans les accords déchirants du premier récitatif, au sujet de la surprise nocturne ! — La scène même de Donn’Anna, au deuxième acte, Crudele !… laquelle envisagée superficiellement ne se rapporte qu’à Don Ottavio, exprime par de mystérieuses assonances, par les plus étranges corrélations toniques, cette disposition secrète de l’âme morte à toute espérance terrestre. En effet, que signifie dans le même air cette singulière prévision jetée là par le poète, peut-être à son insu : Forse un giorno il cielo ancora sentirà pieta di me9 !

— Deux heures sonnent ! — Je sens glisser sur moi une haleine tiède et électrique, je respire l’odeur subtile du délicat parfum italien qui me révéla hier la présence de ma voisine ; j’éprouve une sensation de béatitude infinie qui me semble ne pouvoir s’épancher que dans l’harmonie du chant. Un courant d’air plus rapide parcourt la salle, les cordes du piano de l’orchestre ont frémi… Ciel ! je crois dis-