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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/292

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marchant vers les deux amis ; et, s’étant placée vis-à-vis d’Euchar, elle commença :

« Laurel inmortal al gran Palafox,
Gloria de España, de Francia terror ! 2 etc. »

La petite chanta tout le dithyrambe avec une expression réellement inexprimable. Aux accents les plus pénétrants d’une mortelle douleur succédaient tout à coup les transports du plus ardent enthousiasme ; alors à chaque note il semblait qu’un éclair flamboyant vint briser et dissoudre l’enveloppe glacée qui, un moment avant, oppressait la poitrine. Ludwig crevait dans sa peau, comme on dit, tant il était extasié. Il interrompait le chant par mille cris de brava ! bravissima ! et une infinité d’autres exclamations admiratives. « Aie pitié de moi, lui dit Euchar, mon digne maître, et réprime un peu ta langue, je te prie. — Oh ! je sais bien, répartit Ludwig en boudant, que la musique même n’a pas la faculté de t’émouvoir, homme prosaïque !… » Mais il déféra néanmoins à la recommandation d’Euchar.

La jeune fille, lorsque sa chanson fut finie, s’appuya, épuisée de fatigue, contre un arbre voisin ; et tandis qu’elle modulait à voix basse les derniers accords de plus en plus sourds qu’elle tirait de l’instrument, de grosses larmes coulaient de ses yeux !

Euchar, de ce ton de voix qui part seulement d’un cœur profondément ému, lui dit : « Tu es dans le besoin, ma pauvre charmante enfant ; si je n’ai pas vu ta