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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/302

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le visage d’Euchar le sceau caractéristique dont elle marque ses favoris. Or, ces favoris de la nature sont ceux qui savent jouir de l’amour infini de cette bonne mère, qui la comprennent dans son essence divine ; et ce n’est que par leurs pareils qu’ils peuvent être eux-mêmes appréciés. Aussi Euchar fut-il méconnu de la foule, et taxé de froideur, d’indifférence et de prosaïsme, lui qui ne tombait point en extase sur les tirades d’une tragédie nouvelle. Nombre de belles dames surtout des plus à la mode et des plus compétentes en pareille matière ne pouvaient absolument pas concevoir que ce front d’Apollon, ces sourcils impérieux et superbement arqués, ces yeux étincelants d’un feu sombre, ces lèvres aux élégantes sinuosités ne dussent appartenir qu’à une statue inanimée. Comment supposer pourtant qu’il en fût autrement d’Euchar, en présence de son incapacité notoire à soutenir avec de jolies femmes de vides conversations en langage plus vide encore, et à jouer le rôle sentimental d’un Renaud désespéré.

Ludwig ne ressemblait en rien à ce portrait. Pour lui, il était du nombre de ces enfants fougueux et indisciplinés, sur qui l’on a l’habitude de prophétiser que le monde leur sera un jour trop étroit. Il était constamment à provoquer ses camarades aux tours d’écoliers les plus hasardeux, et l’on se serait naturellement attendu à voir à la fin quelque dénouement fatal payer cet excès d’audace. Mais c’était toujours au contraire lui qui sortait sain et sauf de l’affaire, attendu qu’il savait adroitement, au moment de l’exécution,