Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/303

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se poster à la réserve, ou bien s’éclipser complètement.

Il saisissait tout avec enthousiasme et vivacité, mais il y renonçait avec autant de promptitude. Il apprit ainsi beaucoup de choses, sans jamais rien savoir à fond. Devenu jeune homme, il faisait très agréablement de petits vers, jouait passablement de plusieurs instruments, maniait un peu le pinceau, parlait plusieurs langues presque couramment, et passait par conséquent pour un véritable prodige d’érudition. Il ne lui en coûtait rien pour se pâmer d’admiration à tout propos, et exprimer son exaltation dans les termes les plus pompeux. Mais il en était de lui comme d’une timbale, d’autant plus sonore qu’elle est plus creuse.

Le beau, le sublime ne l’impressionnaient guère autrement que le chatouillement qui effleure la peau sans émouvoir les nerfs. Ludwig était de ces gens à qui l’on entend souvent dire : je voudrais ! et chez qui ce principe de volonté ne se manifeste jamais par l’action. Mais comme dans le monde ceux qui s’en vont proclamant partout d’avance ce qu’ils comptent faire, imposent bien autrement à la foule que ceux qui se bornent à agir en suivant tranquillement leur petit bonhomme de chemin, tout le monde s’accordait pour reconnaître à Ludwig une immense capacité ; et, au milieu de l’admiration générale dont il était l’objet, personne ne songeait à s’informer s’il avait réellement fait ce dont il s’était si pompeusement vanté à l’avance. Il y avait bien quelques personnes qui y regardaient de plus prés, et s’enquéraient sérieu-