Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/304

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sement si Ludwig avait accompli tel ou tel projet : et cela le chagrinait d’autant plus que dans certains moments de méditation solitaire, il était forcé de s’avouer à lui-même combien c’était une condition misérable que de faire ainsi éternellement parade d’une volonté stérile et sans résultat. Ce fut dans cette disposition d’esprit qu’il tomba un jour sur un vieux livre oublié, où était développée la doctrine de l’enchaînement mécanique et fatal des choses. Il adopta avec transport un système qui devait, aux yeux d’autrui et même aux siens propres, servir d’excuse à sa conduite et à l’impuissance de sa volonté ; car si ses promesses ou ses desseins ne recevaient pas d’exécution, il n’en pouvait être responsable, mais c’est qu’il dépendait de l’enchaînement des choses que cela ne se réalisât pas. — Du moins, le lecteur conviendra que c’était là un système parfaitement commode.

Or, comme Ludwig était du reste un fort joli garçon, avec de belles et fraîches couleurs, il ne lui eût rien manqué, grâce à ses autres qualités, pour être l’idole des sociétés les plus à la mode, si par malheur sa myopie ne lui avait fait commettre les quiproquo les plus étranges, et attiré maintes fois des scènes désagréables. Il se consolait pourtant de ce genre de disgrâces en songeant complaisamment à l’irrésistible séduction qu’il croyait exercer sur tous les cœurs féminins. Il avait d’ailleurs l’habitude de s’approcher des dames plus près que cela n’était convenable, à cause de sa vue basse, et pour ne pas se méprendre sur la personne à qui il s’adressait, comme cela lui