Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/306

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table, versa quelques larmes et commença lentement, mais avec le pathétique convenable :

« Comme avant le lever du Soleil, son image
Se peint à l’horizon, ainsi certain présage
Nous prépare toujours aux grands événements !
Toujours dans le présent l’avenir est en germe…

» Oui, mon cher Euchar, poursuivit-il tristement, de même que les sons d’une horloge s’annoncent par le mystérieux bourdonnement des rouages, de même les coups de la fatalité sont précédés de circonstances menaçantes. Déjà, dans la nuit de la veille du bal, j’avais fait un rêve affreux, épouvantable ! Il me semblait que j’étais dans le salon du comte, et qu’au moment où je me préparais à danser, il me devenait impossible de bouger mes jambes de place. Une glace se trouvait en face de moi, et juge de quel effroi je suis saisi en m’apercevant, qu’au lieu du piédestal si élégant dont m’a doué la nature, je suis porteur des jambes massives et éléphantines du vieux podagre de président consistorial. Et tandis que je reste, comme par enchantement, cloué au parquet, quel spectacle s’offre à mes regards ? L’infâme président qui valse, léger comme un oiseau, mollement bercé dans les bras de Victorine, et me souriant d’un air malicieux. Bientôt enfin il m’accoste et me soutient impudemment qu’il m’a gagné mes jambes au piquet ! Je me réveillai, cela ne te surprendra pas, baigné d’une sueur d’angoisse !… Encore tout préoccupé