Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/308

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cette racine d’arbre ! En dansant, je sentis ma douleur dans le genou se réveiller, et devenir de plus en plus cuisante : mais au moment même, Victorine dit d’une voix assez haute pour être entendue des autres danseurs : “Mais vraiment c’est à s’endormir !” Alors on frappe des mains, on fait signe aux musiciens, et la valse tournoie avec un élan rapide. Je subjugue avec effort le tourment que j’endure, je pirouette élégamment, je fais une mine riante : et pourtant Victorine me répète à chaque instant : “Pourquoi donc si lourd aujourd’hui, cher baron ?Vous n’êtes plus du tout le même danseur que d’habitude.” Autant de coups de poignard qui m’entraient brûlants dans le cœur !

— Pauvre ami ! dit Euchar en souriant, je comprends tout l’excès de ton martyre. — Eh bien, poursuivit Ludwig, tout cela n’était que le prélude de la catastrophe la plus déplorable ! Tu sais, mon ami, combien de temps j’ai consacré à apprendre les passes de la contredanse à seize, tu sais avec quel zèle, pour atteindre à la perfection que je rêvais, je les ai toutes étudiées dans cette chambre même, me livrant aux sauts les plus hardis, et renversant à chaque instant les cristaux et les porcelaines, sans me soucier de les briser. L’une de ces passes surtout est dans ce genre la plus admirable invention de l’esprit humain. Quatre couples se groupent d’une manière pittoresque, et les cavaliers, balançant sur la pointe du pied droit, entourent du bras droit la taille de leurs dames, tandis qu’ils décrivent du bras gauche au-dessus de leurs têtes une courbe gracieuse ; et