Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/309

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les autres danseurs font la ronde. Vestris ni Gardel n’ont rien imaginé de comparable. — J’avais fondé sur cette seize l’espoir du plus beau moment de ma vie. Je réservais mon triomphe pour la fête du comte Walther Puck. Dans cette passe délicieuse, tenant ainsi Victorine dans mes bras, je voulais lui murmurer à l’oreille : “Ravissante, divine comtesse ! je vous aime inexprimablement, je vous adore ! soyez à moi, ange de lumière !” — Voilà pourquoi, cher Euchar, je fus transporté d’une si grande joie quand je reçus une invitation formelle de la part du comte, bien que j’eusse lieu de craindre qu’il ne m’oubliât, car il avait paru, quelques jours auparavant, très irrité contre moi, après que je lui eus exposé la doctrine de l’enchaînement des choses, leur dépendance mécanique, le système du macrocosme enfin d’où il tirait la conclusion bizarre que je comparais sa personne à un pendule, allusion malicieuse, disait-il, qu’il ne me pardonnait qu’à cause de ma jeunesse, et sur cela il m’avait tourné le dos.

» Eh bien donc, quand cette valse malencontreuse fui finie, je me tins à l’écart dans une salle voisine, où je ne rencontrai que le bon Cochenille, qui s’empressa de me verser du Champagne. L’effet subit du vin fut de me rendre une nouvelle vigueur ; je ne ressentis plus aucun mal. La seize allait commencer, je rentrai précipitamment dans le salon, je courus près de Victorine, et, saisissant sa main que je baisai avec ardeur, je pris place dans le quadrille. Voici le signal de la figure en question : je me surpasse moi-même, je balance, je voltige, le dieu des ballets