Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/310

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m’eût admiré ! j’entoure enfin de mon bras droit la taille svelte de ma danseuse, et, comme je l’avais résolu, je m’écrie tout bas : “Divine, adorable comtesse !…” etc. — L’aveu de l’amour s’est échappé de mes lévres, je cherche une réponse dans les yeux de ma dame… Seigneur du ciel ! ce n’est pas Victorine avec qui j’ai dansé, c’est une autre demoiselle que je ne connais pas du tout, qui ressemble seulement à Victorine de port et de costume !

» Peux-tu t’imaginer quel coup de foudre ce fut pour moi ! Un vertige soudain fit tout vaciller confusément à mes yeux, je cessai d’entendre l’orchestre, et, bondissant comme un forcené à travers les figurants, accueilli à droite et à gauche par mille cris aigus et plaintifs, je ne m’arrêtai court dans un coin reculé du salon, qu’en me sentant saisir par deux bras vigoureux ; c’étaient ceux du maudit président consistorial que j’avais déjà vu en rêve, et qui me cria dans l’oreille d’une voix de Stentor : “Mille tonnerres ! mille dieux, Baron ! je crois que vous avez une légion de diables dans les jambes. À peine en quittant la table de jeu viens-je de paraître ici, que, semblable à un ouragan, vous vous élancez du milieu de la danse et m’écrasez les pieds, de telle sorte qu’il y aurait de quoi mugir de douleur comme un taureau, si je n’étais pas un homme de bonne compagnie. Voyez un peu quelle perturbation vous venez de produire !” En effet, la musique avait cessé, tous les danseurs étaient dispersés, et je remarquai plusieurs hommes qui boitaient, tandis que les dames regagnaient leurs places prêtes à défaillir