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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/318

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dont le ridicule et l’insipidité sont tout à fait appropriés à la circonstance. Ce qui y ajoutait, du reste, un charme singulier, c’était l’accompagnement lointain d’une espèce de grondement comparable au sourd roulement de la foudre, et que produisait la voix bourdonnante du président consistorial occupé à jouer au piquet avec le comte Walther Puck au fond de l’appartement. Ainsi le jeune poète lisait avec l’accent le plus suave possible :

« Un seul moment encore résonne à mon oreille !
Voix ! douce voix ! ô voix de l’abime sans fond !
Souffle mystérieux de l’éther !.................... »

Mais au même moment éclata avec furie la voix tonnante qui bruissait depuis long-temps d’une manière menaçante. « Mille noms d’enfer ! » s’écria le président consistorial avec un tel mugissement, que le salon en retentit, et que tout le monde se leva avec effroi. Le plus joli, c’est que l’auteur, sans se déconcerter le moins du monde, continua :

Souffle mystérieux de « Oui, de sa pure haleine
C’est un soupir plaintif, oh ! je le reconnais,
C’est le son de sa voix aérien et frais ! »

Cependant, une fatalité supérieure à celle qui gouvernait les personnages de la tragédie vint empêcher le poète de terminer sa lecture. Précisément au moment où il voulait forcer sa voix au diapason le plus élevé de l’énergie tragique, pour faire valoir