Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/323

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vieillard débile et sut le maintenir renversé sur son lit. En même temps, il le suppliait avec les expressions les plus touchantes de lui pardonner sa fougueuse incartade, protestant qu’il était loin de songerâ le trahir ; il lui expliqua comment, au contraire, sa chanson patriotique, en réveillant l’amer chagrin qui empoisonnait sa vie, l’avait enflammé d’un saint enthousiasme et rempli d’une ardeur guerrière sans égale ; il déclara enfin qu’il voulait voler en Espagne, heureux d’aller combattre pour la cause de la liberté.

Le vieillard envisagea Edgar avec attention, en disant à demi-voix : « Serait-il possible ! » Et quand Edgar eut encore répété de la manière la plus énergique que rien ne l’empêcherait d’exécuter sa résolution, il le pressa ardemment contre son sein, et jeta en même temps de côté le poignard qu’il tenait encore à la main.

Edgar apprit alors que le vieillard s’appelait Baldassare de Luna, et qu’il descendait d’une des plus nobles familles de l’Espagne. Dénué de tout, sans amis, sans nulle assistance au sein de sa profonde misère, il se voyait, hélas ! réduit à languir loin de sa patrie dans cette déplorable condition. Et Edgar ne pouvait parvenir à consoler cet infortuné, si digne de compassion. Mais lorsqu’à la fin il s’engagea par les serments les plus sacrés à assurer leur double fuite en Angleterre, il sembla qu’un feu nouveau vint l’animer et vivifier les membres engourdis du vieillard. Ce n’était plus un malade affaissé, non, c’était un jeune homme exalté et vigoureux qui