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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/325

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coup de baïonnette, tomba au pouvoir des ennemis.

Edgar fut témoin, en cette circonstance, des scènes les plus horribles, telles que l’enfer en doit à peine présenter. Fût-ce par une infâme trahison, ou par la négligence inconcevable des chefs, bref, les troupes chargées de la défense des remparts manquèrent bientôt de munitions. Elles résistèrent long-temps à la baïonnette aux ennemis qui se précipitaient par la brèche ouverte ; et lorsqu’enfin elles furent obligées de se soustraire à son feu meurtrier, elles tentèrent dans un désordre extrême de sortir de la ville par une porte opposée. Mais le peu de largeur de cette issue s’opposant au libre passage de leur grand nombre, il fallut rester exposé à un carnage inévitable. Pourtant, quatre mille Espagnols environ, dont faisait partie le régiment d’Almeira, où Edgar était enrôlé, parvinrent à s’échapper. Avec la rage furieuse que donne le désespoir, ils se frayèrent un passage à travers les bataillons ennemis qu’ils rencontrèrent, et poursuivirent leur retraite sur la route de Barcelone. Ils se croyaient enfin hors de péril, lorsque le feu terrible de plusieurs pièces de campagne, mises en batterie par l’ennemi derrière un profond ravin qui coupait la route, vint semer de nouveau dans leurs rangs une mort inévitable. Edgar tomba frappé.

Une violente douleur de tête fut la seule sensation qu’il éprouva en revenant à lui. Il faisait une nuit profonde. Il se sentit frissonner d’une angoisse mortelle en entendant autour de lui des gémissements étouffés et les déchirantes lamentations des