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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/327

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était anéantie, le pressentiment d’une destinée fatale était peint sur tous les visages ; tantôt le découragement et la douleur rendaient la consternation générale, tantôt mille imprécations de fureur contre l’ennemi éclataient de toutes parts.

L’Alameda, la plus délicieuse promenade de Valence, naguère le rendez-vous journalier du beau monde, était alors consacrée aux revues des troupes de la garnison. Ce fut en cet endroit qu’un jour Edgar, appuyé debout contre un arbre, et réfléchissant tristement à la sombre fatalité qui semblait s’appesantir sur l’Espagne, remarqua un homme avancé en âge, d’une taille élevée, d’un aspect fier, qui se promenait à pas lents de long en large, et qui, chaque fois quil passait devant lui, s’arrêtait un moment et fixait un regard pénétrant sur lui.

Edgar, à la fin, s’approcha de lui et lui demanda avec réserve ce qui pouvait le rendre l’objet de cette espéce d’examen. « Je ne me suis donc pas trompé, dit cet homme, et un sombre éclair jaillit sous ses sourcils noirs et touffus, vous n’êtes pas Espagnol, et pourtant, s’il faut s’en rapporter à ce costume, je dois voir en vous un de nos frères d’armes. Mais cela me paraît un peu suspect ! »

Edgar, bien qu’il se sentît blessé assez vivement de cette apostrophe peu courtoise, expliqua néanmoins au vieillard d’un ton poli quelles circonstances l’avaient amené en Espagne. Mais il n’eut pas plutôt prononcé le nom de Baldassare de Luna, que le vieillard s’écria tout haut avec un chaleureux enthousiasme : « Que dites-vous ? Baldassare