Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/328

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de Luna ? — Baldassare de Luna, mon digne cousin ! l’intime de mon cœur, le dernier, l’unique ami que le ciel m’ait laissé ici-bas !… »

Edgar acheva de l’instruire de son aventure, et il ne manqua pas de lui apprendre avec quelle espérance consolatrice était mort Baldassare de Luna. Le vieillard joignit les mains, leva vers le ciel ses yeux baignés de larmes, et, les lévres tremblantes, il semblait s’entretenir avec l’ombre de son vieil ami. « Pardonnez-moi, dit-il en se retournant vers Edgar, si une sombre méfiance m’a fait user envers vous de procédés qui ne me sont pas familiers. Depuis quelque temps, le soupçon a couru que les ennemis poussaient l’infamie de la ruse jusqu’à introduire dans nos rangs des officiers étrangers pour nous rendre victimes d’odieuses trahisons. Les événements de Tarragone n’ont donné que trop de poids à cette opinion, et la Junte a déjà résolu de faire sortir de la place tous les officiers étrangers. Don Joachim Blake a pourtant déclaré qu’il ne pouvait se passer de ceux attachés au génie, mais il a pris aussi l’engagement formel de faire fusiller immédiatement le premier sur qui viendrait à planer le moindre soupçon de trahison. Si vous êtes réellement un ami de mon cher Baldassare, vous êtes sans doute un brave et galant homme. En attendant, vous voilà prévenu, et c’est à vous d’agir en conséquence. » À ces mots, le vieillard le quitta.

La fortune des armes paraissait avoir complètement abandonné les Espagnols ; tous les efforts d’un courage désespéré ne pouvaient rien contre les