Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/349

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thousiasme que Ludwig. Il criait de toutes ses forces : « Oui, je la connais la fatale Profecia del Pirineo du divin don Juan-Batista de Arriaza ! Oh ! — Elle versa dans mon sein des flammes brûlantes : je voulais voler en Espagne, je me serais jeté dans la lutte ardente… si cela avait seulement été dans l’enchaînement des choses. Ha ! je me mets très bien à la place d’Edgar : comme j’aurais parlé dans ce fatal moment à ce terrible l’Empecinado dans le souterrain des Franciscains ! » Ludwig commença alors un discours si éloquent, si pathétique, que tout le monde en fut stupéfait, et ne pouvait assez admirer le courage et l’héroïque résolution de son auteur.

« Quel malheur que cela ne fût pas dans l’enchaînement des choses ! l’interrompit la présidente. Quoi qu’il en soit, par suite de cet enchaînement fatal sans doute, ou plutôt par une bonne inspiration, j’ai réservé aujourd’hui même à mes chers hôtes un divertissement qui va donner au récit de notre aimable ami une conclusion réjouissante et tout à fait caractéristique. »

Les portes s’ouvrirent, Émanuela entra, et derrière elle le nabot contrefait Biagio Cubas avec sa guitare à la main, et se confondant en bizarres salutations. Pour Émanuela, elle s’avança au milieu du cercle avec cette grâce inimitable que les deux amis Ludwig et Euchar avaient déjà admirée en elle le jour de leur promenade, et, après s’être inclinée, dit d’une voix douce et gracieuse qu’elle allait faire devant la société l’essai d’un talent qui n’avait sans doute d’autre charme que son caractère d’étrangeté.