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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/350

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Depuis le peu de jours que les deux amis l’avaient rencontrée, la jeune fille semblait être devenue plus grande, plus belle, plus ravissante ; elle était même élégamment vêtue, presque avec recherche. « Eh bien ! chuchota Ludwig à l’oreille de son ami, pendant que Cubas disposait les œufs pour le fandango avec cent grimaces des plus bouffonnes, eh bien, Euchar, tu peux maintenant réclamer ta bague à la petite. — Nigaud ! répliqua Euchar, ne la vois-tu pas à mon doigt ? je l’avais retirée par mégarde avec mon gant, dans lequel je l’ai retrouvée le soir même. »

La danse d’Émanuela électrisa tous les spectateurs ; car aucun d’eux n’avait jamais rien vu de semblable. Tandis qu’Euchar, l’air sérieux, considérait attentivement la danseuse, Ludwig éclatait en exclamations bruyantes et des plus emphatiques. Alors Victorine, auprès de qui il était assis, lui souffla à l’oreille : « Hypocrite ! vous osez me parler d’amour, et vous êtes épris de ce petit être arrogant, de cette banquiste espagnole ? ne vous avisez plus de la regarder. » — Ludwig ne fut pas médiocrement embarrassé de cet amour excessif que lui témoignait Victorine, et qui pouvait ainsi à l’improviste, et sans nul motif raisonnable, allumer en elle tant de jalousie. « Je suis très heureux ! murmura-t-il en lui-même, mais c’est gênant. »

Quand la danse fut achevée, Émanuela prit la guitare, et commença à chanter des romances espagnoles d’un caractère gai. Mais Ludwig lui ayant demandé de vouloir bien répéter la jolie chanson