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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/351

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qu’elle avait chantée devant son ami Euchar, Émanuela commença aussitôt :

Laurel imortal al gran Palafox, etc.

En chantant, son enthousiasme devenait de plus en plus ardent, sa voix plus sonore, ses accents plus expressifs. Quand enfin elle arriva à la strophe qui proclame la délivrance de la patrie, elle dirigea alors sur Euchar son regard étincelant, un torrent de larmes jaillit de ses yeux, et elle tomba prosternée. La présidente s’élança aussitôt et releva la jeune Mlle. « Assez, assez ! ma douce et charmante enfant ! » lui dit-elle. Et, l’ayant fait asseoir sur le sofa, elle l’embrassa sur le front et lui fit mille caresses.

« Elle est folle ! murmura Victorine à l’oreille de Ludwig ; tu n’aimes pas une folle, n’est ce pas ? — Dis-le moi, oh ! dis-le moi tout de suite, je t’en prie, que tu es incapable d’aimer une folle !… — Ah mon Dieu !… non, non ! » répondit Ludwig tout effrayé, car il ne savait que penser de l’explosion de cet amour subit et effréné de la part de Victorine ?

Pendant que la présidente obligeait Émanuela à prendre du vin doux et des biscuits pour se remettre, elle faisait aussi servir au brave guitariste Biagio Cubas, qu’on entendait sanglotter accroupi dans un coin du salon, un bon verre de véritable Xérès, qu’il vida jusqu’à la dernière goutte, avec un joyeux : Doña, viva vuestra merced mil años !7

On imagine bien que les femmes s’empressèrent alors auprès d’Émanuela, et l’assaillirent de ques-