Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/352

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tions sur sa patrie, sa position et le reste. La présidente sentait trop la contrainte pénible où devait se trouver la jeune fille pour ne pas l’en délivrer promptement ; et elle lui fraya un passage à travers le cercle compact formé autour d’elle, où figuraient même les joueurs de piquet. — Le président consistorial trouvait que la jeune Espagnole était un petit être charmant et adorable ; mais sa maudite danse lui avait agacé les nerfs des jambes, et parfois il avait été pris du même vertige que si Satan lui-même l’eût contraint à valser avec lui. Le chant de la jeune fille, au contraire, était quelque chose de réellement prodigieux, et lui avait fait un très grand plaisir.

Le comte Walther Puck émit un avis tout opposé. Il dépréciait le chant d’Émanuela, dépourvu qu’il était de fioritures, et vantait au contraire à l’excès sa danse délicieuse, suivant son expression. Il s’appuyait complaisammeut sur sa compétence en pareille matière ; car autrefois, disait-il, il aurait pu jouter avec le plus habile maître de ballets. « Croirais-tu bien, cher ami, dit-il en s’adressant au président consistorial, que je dansais alors le fiocco avec la vigueur et l’agilité d’un premier sujet ? sais-tu que j’abattais avec la fine pointe du pied un tambour de basque suspendu à neuf pieds plus haut que mon menton ? Et quant au fandango avec les œufs, j’en ai ma foi écrasé bien souvent plus que n’en pourraient pondre sept poules dans un jour.

— Par tous les diables, c’étaient là des tours d’adresse ! cria le président consistorial. — Et comme le bon Cochenille, poursuivit le comte, joue fort